Faut-il lire L’affaire Alaska Sanders, le dernier Joël Dicker ?

L’auteur suisse squatte les podiums littéraires et explose les ventes avec son dernier opus, L’affaire Alaska Sanders. Depuis le succès de La vérité sur l’affaire Harry Québert, la marque Dicker sonne comme une valeur sûre, une fabrique à best-sellers.

La question qui brûle les lèvres de tout le monde doit donc être posée :

Comment expliquer cette réussite ? Quel est ce secret qui rend les lecteurs accros ?

La première explication saute aux yeux. Joël Dicker manie à la perfection la technique que les séries télé post-années 2000 ont maintes fois usitée : balancer une bombe à la fin de chaque épisode. Et ainsi rendre le téléspectateur dépendant, incapable d’éteindre son écran tant l’attente serait insupportable.

Ainsi, L’affaire Alaska Sanders regorge de révélations et de rebondissements. Et pour être sûr d’entretenir la dépendance du lecteur, Dicker multiplie les chapitres, de façon abusive, parfois.

Résultat : son livre est un véritable page-turner, en dépit de ses défauts, gommés par la sensation de manque qu’il crée chez le lecteur forcé de refermer le bouquin parce que des tâches de la vie quotidienne lui incombent.

Autre procédé devenu à la mode dans la littérature contemporaine : les flashbacks.

Et là, malgré leur efficacité, il faut bien reconnaître que Dicker en fait trop. Beaucoup trop. Tout est prétexte à un retour dans le passé. Et ça en devient parfois pénible, éreintant. Je m’explique. Prenons un exemple factuel, mais reflétant la réalité d’Alaska Sanders :

Un flic interroge un témoin. La scène se déroule au temps de la narration principale.

Le témoin dit : « En effet, je me rappelle avoir vu Machin le 3 mars dernier devant la pizzeria. »

Et là, au lieu de faire simple et de laisser le personnage exposer son témoignage, l’auteur change de chapitre et nous pond un nouveau flashback dans lequel il fait revivre au lecteur la scène de la pizzeria, au présent.

Pourquoi pas, me direz-vous ? Pourquoi pas, oui, sauf qu’il use de ce procédé toutes les deux pages et qu’à la longue, cela en devient gênant. Inutile, surtout.

Pour autant, et malgré ces abus, on veut connaître la suite. C’est le vrai talent de Dicker, un scénariste plus qu’un écrivain en réalité.

Continuons sur les points faibles, pour la forme et pour mieux comprendre la psychologie de l’auteur.

Le personnage principal et récurent de ses différents romans est toujours le même : Marcus Goldman, un écrivain américain devenu richissime et célèbre grâce au succès soudain de son livre, La vérité sur l’affaire Harry Québert. Vous l’avez compris, Marcus Goldman est Joël Dicker. L’auteur parle de lui-même, sans aucune subtilité. Et c’est là que ça se complique…

Cela se complique, car Marcus Goldman est un homme extraordinaire. Ce n’est pas lui qui le dit, non, mais les autres personnages :

« Marcus vous êtes formidable. »

« Marcus vous êtes le plus grand écrivain du siècle. »

« Marcus vous êtes un meilleur détective que la fine fleur de la police. »

« Marcus vous êtes beau, Marcus on vous aime, Marcus je t’aime… »

Encore mieux, tout le monde ou presque le reconnaît dans la rue :

« Mais ne seriez-vous pas le célèbre écrivain Marcus Goldman ? »

Bref, vous avez compris l’idée. Le narcissisme transpire dans le bouquin.

Autre élément dérangeant, mais néanmoins efficace d’un point de vue marketing, Joël Dicker excelle dans le placement de produit. Son livre (et donc celui de son personnage fictif) La vérité sur l’affaire Harry Québert est mentionné une bonne centaine de fois tout au long des pages d’Alaska Sanders. Et pour être bien sûr que vous achetiez son précédent livre, l’auteur a pris soin de faire réapparaitre le personnage de Harry Québert. Une présence inutile d’un point de vue narratif. Ce dernier n’influe sur l’enquête d’aucune manière. Pour ainsi dire, il ne sert à rien, si ce n’est à faire de la pub. (Et ça fonctionne, puisque La vérité sur l’affaire Harry Québert refait surface dans les classements des meilleures ventes Amazon et Fnac. )

Mais arrêtons-nous avec les points faibles. Soyons honnêtes : j’ai lu ce livre d’une traite, tout comme celui d’Harry Québert. On peut dire ce que l’on veut, Joël Dicker connaît les ficelles du métier. Il maîtrise les intrigues, les rebondissements et ces ambiances si caractéristiques des petites villes américaines, conservatrices et pépères. Une Amérique profonde sur laquelle fantasme le Français, biberonné depuis l’enfance aux séries, aux films et à la littérature thriller de l’oncle Sam.

Ah oui, mais au fait, de quoi parle le livre ?

Si vous aimez les romans policiers, vous ne serez pas déçus. Vous ne serez peut-être pas surpris ou transcendés, mais vous en aurez pour votre argent et votre temps. Tous les codes de la littérature américaine du genre sont respectés à la lettre. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas jugé utile de m’attarder sur l’histoire, en somme très banale et conventionnelle : une jeune femme est retrouvée morte sur une plage, assassinée. La police débarque, récolte les indices, retrace le passé de la victime et c’est parti mon kiki !  

Et vous, qu’en avez-vous pensé ?

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